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Les rapports dorés des peintres

Après les lignes et les angles, se pose la question de la mesure des éléments peints dans une composition picturale.

Je parle ici de rapports dorées plutôt que de nombre d'or qui est un terme contemporain. La renaissance lui préférait souvent les noms de "Divine proportion" ou de "rapport doré". C'est certainement la partie la plus sujet à polémiques dans le monde des commentateurs de l'art d'aujourd'hui car nombreux sont ceux qui nient l'usage de ces mesures dorées sans apporter d'autre fondement que leur rejet personnel.

Pourtant la notion de mesure est aussi essentielle dans une œuvre picturale que celle des directions et des valeurs car

la mesure est aussi déterminante que le rythme l'est dans la musique, 

ou que le sont les pieds dans les vers de la poésie.

 

En fait de mesure, il faudrait plutôt parler dans le domaine graphique de rapports, car ce qui génère une esthétique est le rapport entre deux mesures, ou deux temps en musique.

La qualité d'un rapport de mesures fait qu'il installe une esthétique graphique à l'œuvre.

 

De même dans la musique, si le compositeur ne respecte pas un certain rythme, son œuvre risque de devenir chaotique. Dans le domaine pictural, comme dans le domaine architectural, il y a un rapport naturel qui retient l'attention voir l'admiration des philosophes depuis la plus haute antiquité, il s'agit du RAPPORT DORE. Ce rapport d'abord observé dans le fonctionnement du monde vivant a été retenu pour sa capacité à organiser les compositions graphiques de façon à ce qu'elles soient harmonieuses pour l'œil, ceci à l'image de l'harmonie visible dans le cosmos.

 


Pourquoi ce rapport serait-il doré et d'où vient ce nom ?
 

Tout simplement parce que le rapport doré est gouverné par ce que l'on appelle le nombre d'or, autrement nommé par la lettre grecque PHI et dont la valeur est 1,618... Vous ne voyez toujours pas d'or dans tout cela ! En effet, cette appellation est un hommage au sculpteur et architecte grec PHIDIAS qui avait largement utilisé ce rapport dans la décoration et les sculptures du Parthénon au Vè siècle avJ-C. Il y aurait sculpté ce rapport en lettres d'or sur un fronton. Voilà pour les présentations !

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Pour sa définition, c'est Euclide qui le premier l'évoque au III ème siècle avJ-C dans son Livre VI des Eléments : 

Une droite est dite coupée en extrême et moyenne raison, lorsqu’elle est tout entière

relativement au plus grand segment, ainsi que le plus grand est relativement au plus petit.  
 

De façon plus pragmatique, le rapport doré à été détecté dès la plus haute antiquité en observant les spirales des fleurs ou celles des coquillages, ou encore en calculant le rapport des lunaisons avec le rythme solaire.

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Je reste persuadé que la majorité des peintres y compris les érudits en mathématiques ainsi que les peintres-architectes recherchaient des solutions simples et pratiques pour composer leurs tableaux, notamment au sujet des dimensions. Je les vois mal faisant des calculs interminables sur une ardoise pour trouver l'angle d'une épée ou la longueur d'un chapeau selon ce rapport doré. C'est pourquoi il me semble que les peintres auraient utilisé des outils simples pour les seconder dans leurs recherches esthétiques. Des outils maniables, transportables, et surtout, faciles d'emploi comme la corde à nœuds des bâtisseurs de temple, et aussi le compas à quatre pointes.

Compas Harmonie du 16ème siècle

Compas à quatre pointe dit "Compas d'harmonie"

16ème siècle

Ce compas permet par la vertu du théorème de Thalles d'obtenir le rapport doré à chaque ouverture de ses branches. Comme l'articulation des branches est établie selon le rapport doré, l'écartement entre les branches donne toujours deux valeurs du rapport doré, ceci sans faire aucun calcul.

Avec ce compas spécifique, il était d'usage pour les peintres de suivre les instructions de PLATON en utilisant une série cinq mesures dorées consécutives appelée "quinte". Et comme il serait très lassant et limité de n'avoir à sa disposition que 5 mesures, la tradition consistait à y adjoindre une seconde quinte faite de 5 mesures différentes de la première.

Compas d'harmonie montrant deux quintes dorées

En orange la première quinte de mesures dorées 

En jaune une deuxième quinte donnée par une ouverture différente du compas.

Ainsi une grande partie des longueurs, mais aussi des espaces dessinés dans un tableau sont gérés par ces rapports dorés. Ce travail laborieux répondait à toute une philosophie respectueuse de l'ordre et de l'harmonie nés de la création divine.

 

Sur ce LIPPI, l'écartement des doigts de Jésus est relevé par une première ouverture du compas,
puis en retournant le compas, l'ouverture sur le pouce est celle du rapport doré.
La main droite de Jésus est ainsi conditionnée par les mesures dorées d'une première quinte.

LIPPI, présence du rapport doré

Lippi - Vierge à L'enfant et deux anges - 1450 - La main gauche de Jésus est principalement déterminée par la quinte en jaune.  Photo Guy Mauchamp

LIPPI, présence du rapport doré avec deux quintes

Ci-dessus j'ai figuré les principales dimensions gérées par les deux quintes de rapports dorés.

 

Les paysages répondaient également au même soucis d'équilibre des dimensions et des espaces. Avec ce dessin de DURER je n'ai mentionné que deux fois quatre mesures dorées pour ne pas trop encombrer la vision de ce travail. Pour l'apprécier, le mieux est de cliquer sur l'image pour l'agrandir.

DURER, paysage, présence du rapport doré

DURER - Paysage Johannisfriedhof (détail) ©GM - les deux quintes dorées sont représentées en jaune et orange dans le ciel.

Comment déceler la présence de rapports dorés ?

 

En premier lieu, il y a une sensation diffuse d'harmonie paisible que l'on ressent devant une œuvre gérée par les rapport dorés. Mais c'est évidement par un travail manuel de recherche que l'on peut mettre en évidence un éventuel usage des rapports dorés. C'est donc muni d'un compas à quatre pointes que l'on part à la recherche du trésor.

Il y a une piste qui fonctionne immanquablement lorsque des personnages sont représentés dans le tableau : l'écartement des yeux, du centre d'une pupille à l'autre correspond souvent à une des cinq mesures de la quinte de Platon. Il suffit dès lors de promener les deux écartement du compas sur les dimensions signifiantes pour en constater l'usage ou non.

Ensuite la même opération peut se reproduire avec la dimension de la bouche.

Avec "la mort de Marat" de DAVID, , vous pouvez relever l'écartement des yeux de Marat (en jaune) sur le bord d'une feuille de papier et constater d'autres dimensions signifiantes qui lui correspondent.

J-L DAVID, La mort de Marat, présence du rapport doré, photo gm

Les peintres installent une relation étroite entre la 1ère règle et la 2ème règle car les angles prolongés viennent le plus souvent pointer un des 12 points d'intérêt de la première règle. Cette relation se retrouve logiquement avec les mesures dorées qui fonctionnement aussi avec la première règle.

Exemples de mesures dorées avec Girodet et Vecellio

Avec GIRODET et son autoportrait au compas d'harmonie, les rapports dorés apparaissent clairement.

Cliquez sur l'image pour voir le détail commenté.

GIRODET usage du rapport doré indiqué par son compas d'harmonie tenu en main

Avec Cesare VECELLIO, le rapport doré se lit entre l'ange Gabriel et l'âme de Marie. Cliquez sur l'image.

VECELLIO, présence du rapport doré entre Gabriel et Marie

N'hésitez pas à laisser votre commentaire, vos questions en pied de page, mon plaisir est de pouvoir échanger sur la composition picturale. Merci.


Guy MAUCHAMP


Travail protégé par un copyright ©guymauchampU79J1B9 et un dépôt à la SGDL.

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